À l'heure de l'IA, l'authenticité littéraire en question
Olivier Norek, maître du polar français, s'est vu poser une question troublante : ses romans sont-ils vraiment de lui ? Sa réponse révèle ce qui distingue l'écrivain de la machine : l'expérience humaine dans toute sa complexité.
Durée de lecture : 4 minutes
Quand l'authenticité devient une question
À l'ère de ChatGPT et des contenus générés par intelligence artificielle, une question surprenante a été posée à Olivier Norek, figure emblématique du polar français contemporain : ses romans sont-ils vraiment de lui ? Cette interrogation, qui pourrait sembler anodine, révèle en réalité les bouleversements profonds que traverse le monde littéraire aujourd'hui.
L'écrivain face à la machine
"Je n'ai même pas ChatGPT sur mon téléphone", répond Olivier Norek avec un mélange d'amusement et de lassitude. Cette précision, qu'il donne sans agressivité mais avec une pointe de tristesse, en dit long sur notre époque. Derrière cette question se cache une remise en cause fondamentale de tout son processus créatif : ces mois d'enquête minutieuse, ces nuits passées à sculpter des personnages, cette documentation rigoureuse qui constitue l'ossature de chacun de ses romans.
Ancien officier de police, Norek ne s'inspire pas du monde criminel, il y plonge corps et âme. Cette immersion totale, cette authenticité du vécu, constituent précisément ce qu'aucune machine ne peut reproduire. Ses romans portent la marque indélébile de cette expérience humaine, de cette confrontation directe avec les réalités les plus sombres de notre société.
Les secrets du crime parfait
Lorsque Norek évoque le "crime parfait", ses mots portent le poids de l'expérience. Ce n'est pas de la pure spéculation littéraire, mais le fruit d'une réflexion nourrie par des années sur le terrain. "Pousser quelqu'un dans les escaliers", confie-t-il avec une gravité saisissante, "c'est l'une des méthodes les plus simples de commettre un meurtre sans laisser de trace. Un accident plausible, difficile à prouver."
Il s'arrête là, conscient du pouvoir démiurgique de ses mots. Plusieurs scénarios similaires habitent son esprit, mais il refuse catégoriquement d'en révéler davantage : "Si un jour je vois ça dans les faits divers, je le vivrais très mal." Cette retenue témoigne d'une conscience aiguë de la responsabilité qui incombe à l'écrivain, même dans la fiction.
L'angoisse existentielle au cœur de l'œuvre
Au-delà du crime, c'est la finitude qui hante véritablement Olivier Norek. L'idée que tout s'arrête définitivement après la mort le perturbe profondément. "Je n'ai que 80 ou 90 ans à passer sur Terre", confie-t-il avec une vulnérabilité touchante. Pour ne pas sombrer dans cette angoisse existentielle, il s'accroche à l'idée qu'il pourrait y avoir un après, une forme d'espoir, même fragile.
Cette obsession de la finitude se reflète directement dans sa technique narrative. Norek déteste viscéralement les fins ouvertes. Non pas qu'il les considère toutes comme défaillantes, mais parce qu'elles représentent trop souvent, selon lui, le symptôme d'un auteur qui n'a pas su conclure son récit. "Moi, j'aime être pris par la main", explique-t-il, "et je veux offrir cette même sensation à mes lecteurs." Cette approche révèle sa conception de l'écriture comme un acte de générosité, un contrat de confiance avec le lecteur.
Les tabous de l'écriture noire
Malgré la noirceur assumée de ses romans, Norek s'impose des limites strictes. Les scènes d'agression sexuelle, les violences contre les enfants – il les évite systématiquement. Cette autocensure ne procède ni de la pruderie ni de la facilité, mais d'une forme de pudeur et de réalisme assumé.
"C'est tellement courant, malheureusement, que chacun en a déjà croisé ces images", explique-t-il avec gravité. "Inutile de les décrire pour choquer." Son objectif transcende la provocation gratuite : il cherche à comprendre les mécanismes psychologiques qui poussent un être humain à basculer vers l'irréparable, sans tomber dans le voyeurisme malsain.
La bande sonore du silence
Paradoxalement, cet homme qui imagine ses romans portés par les sonorités graves des violoncelles et des contrebasses écrit dans un silence absolu. "Trop de récits en même temps", justifie-t-il. "Celui que je construis et celui que la mélodie me raconte. Deux histoires qui s'entrechoquent, qui se parasitent."
Cette discipline du silence révèle sa méthode de travail : une concentration totale, une fusion complète avec ses personnages. Dans cette bulle de silence, Norek peut rester seul avec ses créatures de papier, les laisser grandir, respirer, prendre vie sous sa plume.
L'honnêteté comme boussole créative
Pour Olivier Norek, la qualité d'un roman se mesure à une seule aune : l'honnêteté. "Est-ce que les personnages ont été assez aimés, assez travaillés, pour exister vraiment ?", s'interroge-t-il. "Est-ce qu'on a passé du temps avec eux, au point que le lecteur, dès la dixième page, prie pour qu'ils ne meurent pas ?"
Cette exigence s'étend à tous les aspects de l'écriture. "Est-ce qu'on a vécu dans les lieux qu'on décrit, pas une semaine, mais plusieurs mois ?" Car pour lui, un livre qui n'a rien coûté à son auteur, qui n'a demandé ni doute ni effort, ne vaut tout simplement rien.
L'empreinte indélébile de l'humain
Avec des titres comme Code 93, L'Illusion ou Les Derniers Salopards, Olivier Norek a forgé un style immédiatement reconnaissable : tendu, social, profondément humain. Il ne cherche jamais à fuir la réalité, mais à la regarder en face, sans concession. Et il nous la fait traverser, page après page, sans détour ni fard.
Dans un monde où l'intelligence artificielle questionne jusqu'à la notion d'auteur, Norek rappelle une vérité fondamentale : l'écriture authentique naît de l'expérience humaine, de la souffrance, du doute, de l'amour porté aux personnages. Ses romans portent cette signature indélébile de l'humanité.
Et non, ses romans, personne d'autre que lui ne les a écrits. Pas une IA. Pas un assistant invisible. Juste un homme, son clavier, et des histoires qu'il a choisies de porter.
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